Trop heureux de se découvrir une radicalité qu’il pensait avoir perdue dans les méandres du marxisme révolutionnaire, voici que l’intellectuel bourgeois se prend de nouveau de passion pour la violence. J’en veux pour preuve le grand retour d’une expression qui fait florès chez les admirateurs de Rima Hassan : “quoi qu’il en coûte”. Bien que cette expression soit agitée par des écrivains français qui ont la crédibilité militaire d’un végétarien dans un concours de barbecue texan, nous aurions tort de ne pas la prendre au sérieux.
Dégagée de sa tournure euphémisante, l’expression “quoi qu’il en coûte” signifie : allez-y, tuez des innocents, on vous applaudira des deux mains. Non que l’employé du CNRS aille violer des femmes dans les territoires qu’il entend libérer. Non que l’intellectuel parisien aille égorger des enfants de ses propres mains – tâche rebutante qu’il laisse bien volontiers au Palestinien qu’il prétend protéger. Tout au plus se rendra-t-il à un colloque où personne ne tue personne – à une signature où, parmi les ouvrages à la gloire de Bouteldja (l’héritière islamiste du merveilleux Bourdieu), on parlera de ses vacances en Italie.
Cette manie d’intellectuels – le meurtre par procuration – n’est pas nouvelle, mais sa résurgence interroge. Je veux bien croire que la justice ne soit pas un long fleuve tranquille, mais en ce cas il faut prendre ces intellectuels au mot. Tant qu’un intellectuel pro-palestinien n’aura pas apporté des armes au Hamas, tant qu’il n’aura pas vu de ses propres yeux le visage de la femme qu’il assassine, son éloge de la violence révolutionnaire conservera toujours le parfum orientalisant du fantasme bourgeois. On dira que le colonialisme est infâme et que l’on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs – mais la question est justement de savoir à qui échoit la redoutable tâche de les casser. Cessons de compter sur les miséreux pour faire le sale boulot. Donnons aux intellectuels parisiens l’occasion de prendre leur place : voilà une proposition radicale qui, bien appliquée, changerait la face du monde.








