Qui domine qui ? S’il était facile de répondre à ce mystère, la littérature n’existerait pas. C’est à l’impossibilité de trancher cette question que nous devons l’essentiel de ce qui importe en Europe, depuis « The Taming of the Shrew » jusqu’au roman très précieux de Lewisohn, « The Case of Mr. Crump », depuis « Les Liaisons dangereuses » jusqu’à ce chef d’oeuvre absolu du septième art qu’est « The Servant » (Harold Pinter à l’écriture). Ajoutons à cette superbe liste la définition le l’hystérique chez Lacan : l’hystérique cherche un Maître sur lequel régner. Comme quoi les choses ne sont pas simples, sauf pour les rigolos français de l’antiracisme systémique, lesquels attachent une très grande importance à répartir les rôles entre dominants et dominés. D’où la question fort judicieuse que posa un jour Noémie Halioua à deux éminentes spécialistes des études postcoloniales : quand un dominé traite un autre élève de “sale juif”, est-ce que c’est du racisme ? Bien sûr que non, lui fut-il répondu. Un dominé est une victime, il ne peut pas être raciste, ou alors de manière protestataire, comme pour compenser la stigmatisation qu’il subit.
Ce raisonnement rappelle les mots de l’inénarrable justicier Pierre Tevanian, grand Indigène de la République devant l’Eternel: “Les Blancs sont en effet malades d’une maladie qui s’appelle le racisme et qui les affecte tous, sur des modes différents même lorsqu’ils ne sont pas racistes ”. En somme, un dominant est toujours raciste, même lorsqu’il s’applique à ne pas l’être, alors qu’un dominé n’est jamais raciste, même lorsqu’il traite son camarade de “sale juif”. Une chance que les Indigènes de la République se soient penchés sur le problème du racisme : on aurait pu confondre.
