Accusé d’avoir soutenu la Tchécoslovaquie au lieu de consentir à son dépeçage, Léon Blum fut tenu pour responsable des mauvaises relations que la France entretint avec l’Allemagne, et, ce faisant, d’avoir précipité la France dans la guerre. Et qui donc se chargea d’exonérer le vrai responsable ? Qui donc se chargea de couvrir Léon Blum de tous les maux ? Mais la France de Vichy, bien sûr.
Le lecteur se souvient des chefs d’accusation censés mettre à mal l’architecte du Front populaire devant un parterre de 150 journalistes : posture de “va-t-en-guerre” au détriment de la diplomatie et des bonnes manières, non-défense de la Famille et de la Patrie à coups de mesures gauchistes, gaspillage éhonté de l’argent national en faveur des républicains… espagnols. (“Pauvres Français, si vous saviez comme on vous vole” – tel est le motto éternel de cette France-là). On rapporte que le Maréchal, très agacé par la défense fort habile de Léon Blum – cette façon qu’ont les innocents de se défendre efficacement, quel toupet… – a sommé les juges d’être d’autant plus intraitables. Que le procès de Riom soit basé sur une légalité fantoche est une évidence, mais il ne doit pas nous faire oublier l’éternel paradoxe dans lequel se résume et se condense tout le génie du pétainisme : condamner la culture de l’excuse lorsqu’elle s’applique aux pauvres et trouver mille excuses aux tyrans les plus sanguinaires. Depuis le temps, son programme est suffisamment clair : cherchons les coupables là où ils ne sont pas, poursuivons la gauche de notre mépris ou de notre haine (au choix), comparons la France à une dictature jusqu’à ce que notre démocratie s’effondre et que les vrais dictateurs, à la fin, remportent la mise.
