LA POSITION, by Федір Рудий
La position que nous tenons depuis plus d’un an,
m’est devenue si familière.
Je connais chacun de ses secrets,
chaque recoin et chaque histoire,
chaque fissure et chaque crevasse.
Son toucher, aérien et léger,
ses blessures et ses vêtements troués,
son rire, éparpillé entre les meurtrières,
quand le souffle brumeux du matin
enlace tendrement le chant des oiseaux
et le dépose dans mes paumes.
Et lorsqu’elle appelle la pluie
sur son lit jonché de feuilles,
ses doigts, doux comme le feutre,
retirent les éclats de shrapnel
coincés dans ses cheveux.
Et je l’entends pleurer,
tandis que ses larmes, froides comme le sommeil,
filtrent à travers la mince couverture de l’abri,
pour venir se glisser dans mon sac de couchage.
Lorsqu’un tir de mortier
recouvre la tranchée de terre,
elle nous cache silencieusement,
comme un enfant contre son cœur.
Et avec quelle patience elle endure
nos pioches, nos scies, nos pelles.
Pour que quelqu’un reste à ses côtés.
Pour ne pas rester seule.
Et si, lorsque vient l’heure de la relève, nous partons,
alors elle nous regarde tristement nous éloigner,
tandis qu’un autre groupe nous remplace.
A quel moment ai-je compris,
et pourrai-je jamais lui pardonner
sa peur de la solitude,
et les taches de sang tout au fond.
Lorsque vient l’heure de la relève,
nous partons pour la semaine,
mais celui qui, pour toujours,
reste ici –
lui tient la main.
(22.05.2024)
Trad DdN
